Règle générale, on s’étire avant une activité physique pour augmenter ses performances ou réduire le risque de blessure. Est-ce une bonne idée ? Les étirements produisent-ils vraiment les résultats attendus ?
Plusieurs études scientifiques récentes se sont penchées sur ces questions. Voyons ce qu’elles ont apporté comme éclairage nouveau. Mais avant toute chose, voici quelques faits sur la souplesse, la raideur et les techniques d’étirement.
La souplesse ligamentaire et musculaire
Un ligament est une structure non contractile qui relie les os entre eux et dont la souplesse est une caractéristique individuelle et non modifiable. En d’autres mots : la souplesse ligamentaire ne se change pas en faisant des étirements. Le contexte est différent pour le muscle qui est une structure contractile possédant une capacité d’adaptation phénoménale, notamment en ce qui a trait à son degré de souplesse. La souplesse musculaire est donc modifiable par des étirements, comme dans les trois premières des quatre situations suivantes pour lesquelles une raideur articulaire peut être observée :
La musculature n’arrive pas à se relâcher complètement.
La musculature arrive à se relâcher complètement, mais sa longueur est réduite.
L’articulation semble raide alors que le problème se situe ailleurs, comme un manque de souplesse des épaules qui positionne la tête vers l’avant et entraîne une sensation de raideur au cou (alors que la raideur se situe aux épaules).
La raideur n’est pas d’origine musculaire, mais plutôt causée par un phénomène comme l’arthrose, un gonflement, une maladie dégénérative ou un autre problème de santé.
3 catégories d’étirements
Les étirements statiques consistent à positionner une articulation pour allonger un ou plusieurs muscles et reproduire une sensation relative d’inconfort. Pour un maximum de résultats, il est préférable de stabiliser toutes les extrémités du muscle comme si on tenait une corde à chaque bout ; notez que certains muscles possèdent plus de deux points d’attache. La durée et la fréquence des étirements statiques varient selon la technique employée. Par exemple, l’allongement peut être maintenu de 10 à 30 secondes, répété de 3 à 4 fois et fait dans plusieurs positions (ex. : couché et debout).
Les étirements dynamiques se caractérisent par une succession de mouvements qui entraîne un allongement répété d’un ou plusieurs muscles, non maintenu dans le temps. Les étirements dynamiques sont souvent réalisés contre gravité, comme une répétition de sauts ou d’élévations des bras en position debout. La durée et les mouvements varient notamment en fonction de l’activité physique qui sera pratiquée.
Les étirements neuro-proprioceptifs (PNF) débutent par une contraction musculaire isométrique (sans mouvement) de faible intensité, faite contre une résistance fixe et qui place le muscle dans une position d’allongement. Cette contraction peut être suivie par une autre du même type, cette fois du muscle opposé, ou sinon par une période de repos. Dans la population générale, cette catégorie d’étirements est la moins souvent associée à l’activité physique.
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Les étirements favorisent-ils de meilleures performances ?
Pour répondre adéquatement à cette question, il est indispensable de tenir compte de deux éléments : la catégorie d’étirements et le type d’activité physique qui sera pratiquée, présenté ici en trois groupes selon les paramètres de l’article The Effects of Stretching on Performance :
A. Activités qui demandent force et puissance (sauts, haltérophilie, le golf, etc.)
Les étirements statiques sont généralement déconseillés s’ils sont pratiqués seuls et avant l’activité. Ils diminueraient notamment la hauteur des sauts et la puissance maximale d’un lancer. À cet égard, les personnes étant moins flexibles seraient encore plus touchées par ces effets. Plusieurs études ont toutefois démontré que les effets négatifs des étirements passifs sont moindres ou nuls s’ils sont suivis par des étirements dynamiques.
Les étirements dynamiques auraient des effets positifs. Ils augmenteraient la force et la puissance lorsqu’ils sont pratiqués avant l’activité, et encore davantage s’ils font partie d’une période d’échauffement. Les paramètres comme la vitesse et la durée demeurent toutefois un sujet de discussion. Certains auteurs affirment aussi que les étirements dynamiques peuvent, dans certains cas, diminuer le rapport de force quadriceps/ischio-jambiers, une donnée utile dans certains sports. Notez que les étirements dynamiques faits avant l’entraînement durant plus de 12 minutes pourraient avoir des effets négatifs sur les performances.
B. Activités qui demandent vitesse et agilité (course de moins de 200 m, soccer, hockey, etc.)
Les étirements statiques entraînent, règle générale, des effets négatifs sur les performances. Toutefois, les athlètes ayant une souplesse musculaire déficitaire pourraient en tirer profit pour un sprint de 40 m selon une étude publiée en 2009 dans la revue Research in sports medicine.
Les étirements dynamiques faits avant l’entraînement augmenteraient la vitesse et l’agilité : les études portant sur le sujet sont cependant plus rares. Des précautions individuelles devraient aussi être prises pour les sports nécessitant des sprints de très courtes distances (10 à 20 mètres). Cette catégorie d’étirements pourrait alors accélérer le phénomène de fatigue.
C. Activités qui demandent de l’endurance (course de plus de 200 m, vélo, triathlon, etc.)
Les étirements statiques ne semblent pas démontrer d’effets positifs pour ce type d’activité. Les études sont discordantes quant aux effets négatifs.
Les étirements dynamiques ont peu été étudiés et il n’y a pas de consensus sur les effets négatifs ou positifs pour ce type d’activité.
* Notez que de façon générale, les conclusions des études scientifiques concernant les étirements neuro-proprioceptifs demeurent partagées quant à leurs effets sur les performances. Ils seraient toutefois dommageables lorsqu’ils sont associés aux étirements statiques avant une activité qui demande force et puissance.
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Les étirements diminuent-ils risque de blessures ?
Les étirements qui précèdent une activité physique, toutes catégories confondues, ne diminueraient pas le risque de blessures selon une revue systématique publiée en décembre 2014. Ils réduiraient plutôt le risque de complications d’une éventuelle blessure. Aussi, il serait plus efficace de cibler les muscles et les articulations à risque en fonction de l’activité qui sera pratiquée. C’est la même chose pour le type de mouvements faits durant la période d’échauffement, qui, elle, démontrerait des bienfaits sur la réduction du risque de blessures : l’augmentation de température intramusculaire serait l’élément déterminant. La période d’échauffement devrait être pratiquée tout au plus 30 minutes avant l’activité.
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8 questions/réponses au sujet de l’étirement
1. Est-ce une bonne chose d’appliquer un enveloppement chaud avant de faire des étirements ?
Non : si les étirements sont pratiqués dans un contexte d’activité physique, il est préférable d’avoir recours à une période d’échauffement. Oui : si vos étirements sont pratiqués dans le but d’augmenter votre souplesse musculaire et qu’ils ne précèdent pas une activité physique. Certaines études ont démontré que l’application d’un enveloppement chaud avant des étirements peut avoir un effet positif, même à long terme. L’effet est toutefois plus marqué à court terme puisque le facteur d’élasticité du muscle est augmenté par l’élévation de température.
2. En général, une augmentation de flexibilité favorise-t-elle toujours de meilleures performances sportives ?
Non, pas nécessairement. Chaque activité sportive se pratique selon un ou des alignements articulaires spécifiques, nécessitant des niveaux de souplesse différents. Par exemple, les joggeurs démontreraient parfois une réduction de flexibilité du genou qui est non pathologique.
3. Les étirements pratiqués avant ou après une activité physique diminuent-ils les douleurs musculaires post-entraînement, telles les courbatures ?
Non : plusieurs études ont été publiées à ce sujet et n’ont pas démontré d’effets des étirements sur les douleurs musculaires post-entraînement.
4. Est-ce que je peux me blesser en faisant des étirements ?
Oui : notamment aux ligaments. Il a été mentionné en début d’article que la souplesse ligamentaire ne peut être modifiée par des étirements. Toutefois, un mauvais positionnement articulaire peut blesser un ligament comme un étirement fait de façon inadéquate et maintenu durant une longue période de temps.
5. Les étirements du mollet peuvent-ils diminuer les crampes nocturnes ?
Probablement que oui : une étude faite auprès de personnes âgées de plus de 55 ans a démontré que des étirements du mollet auraient un effet bénéfique sur les crampes nocturnes. Il serait recommandé de les faire quelques fois par jour et avant d’aller au lit.
6. Les étirements faits au travail peuvent-ils prévenir ou diminuer les douleurs au dos, aux épaules ou à d’autres articulations ?
Oui : il faudrait toutefois les pratiquer très régulièrement, soit plusieurs fois par heure, 10 à 15 secondes chaque fois. Il est possible de croire qu’une fréquence plus basse donnerait aussi de bons résultats.
7. Quelles activités physiques sont de bonnes alternatives aux simples étirements ?
Le Pilates, le yoga, la danse, la plupart des arts martiaux. Les activités physiques qui utilisent une grande diversité de postures et d’alignements articulaires sont aussi valables.
8. Comment faire pour conserver la souplesse musculaire gagnée grâce à des étirements ?
Il faut d’abord s’assurer que la souplesse gagnée demeure dans les limites de la normale (le muscle ne peut pas être étiré indéfiniment). Si c’est le cas, on peut maintenir cette souplesse de plusieurs façons, notamment en intégrant cette nouvelle mobilité à des exercices qui tiennent compte des mouvements effectués lors des activités physiques pratiquées régulièrement. On peut aussi utiliser cette nouvelle souplesse dans des exercices qui intègrent une multitude de concepts comme la respiration, la force, l’endurance, la vitesse et l’équilibre.
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